Nombreux sont les parents qui s’interrogent et parfois s’inquiètent de l’alimentation de leurs enfants.

Pour les aider, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a établi des recommandations sur l’alimentation des populations vivant en France, afin d’améliorer la santé générale de celle-ci. Ces recommandations ont été déclinées pour chaque catégorie de personnes (enfants, adultes, personnes âgées) et correspondent aux besoins moyens de la population concernée.

Il est par conséquent absolument nécessaire d’adapter ces recommandations à chaque individu, enfants compris, car si manger répond à un besoin physiologique (qui lui-même varie selon les individus), c’est aussi un acte social, culturel, que nous ne vivons pas tous de la même façon.

Répondre au besoin physiologique: comment?

Adultes, nous disposons de notions d’équilibre alimentaire et de santé dont l’enfant n’a pas conscience.

Pour cette raison, l’enfant ne peut pas choisir seul son alimentation, il n’est pas apte à gérer la composition de ses repas d’un point de vue nutritionnel.

Sans oublier que laisser le choix à un enfant peut engendrer du stress et de l’anxiété : choisir est en effet quelque chose de complexe, qui nécessite des capacités d’analyses que le jeune enfant ne possède pas encore. Ce sera donc aux parents (et non à l’enfant) de décider de la composition des repas, en essayant de proposer une alimentation équilibrée.

Il faudra trouver un juste milieu entre les aliments qu’il adore, et ceux qu’il ne connaît pas encore !

Par contre, la majorité des enfants est capable d’ajuster les quantités consommées, surtout si l’enfant a été habitué à manger selon sa faim dès son jeune âge. Les enfants savent en effet reconnaître la faim et le rassasiement (le fait de ne plus avoir faim), avant même de savoir l’exprimer verbalement : c’est ce que nous dit le nourrisson lorsque, après avoir bu une partie de son biberon, il le repousse de la main ou encore il tourne la tête – la sensation de faim a disparu, il n’a plus besoin ni envie de manger !

Ces sensations sont physiologiques, elles correspondent à l’expression de ses besoins.

Il est donc préférable de ne pas forcer un enfant à finir son biberon, puis plus tard son assiette, de façon à lui permettre d’adapter les quantités consommées à ses besoins.

 Il arrive très souvent qu’au cours du repas, l’enfant (comme l’adulte d’ailleurs) ne veuille plus du plat principal, mais qu’il ait envie de manger du fromage (ou du dessert) : cela correspond aux appétits spécifiques, qu’il convient également de respecter, afin de couvrir certains besoins nutritionnels.

Enfin, les besoins de l’organisme varient d’un jour à l’autre : il n’est donc pas étonnant qu’un jour, l’enfant mange peu, et qu’un autre jour il demande à être resservi et mange en plus grande quantité La régulation des apports énergétiques et nutritionnels se fait, non pas repas par repas, mais sur plusieurs jours.

Si l’enfant veut manger plus (parce qu’il a faim), les adultes ont malgré tout comme rôle de sélectionner les aliments que l’enfant mangera en plus grande quantité, afin de ne pas déséquilibrer la ration alimentaire : on privilégiera les aliments tels que légumes, féculents, pain, fruits plutôt que de resservir l’enfant en viande, poisson, œuf ou en produits laitiers, qui sont des aliments plus riches sur le plan énergétique, et qui surtout ne devraient pas être surconsommés.

Certains enfants ont perdu cette capacité à adapter leur consommation alimentaire selon leurs besoins. Il faut alors les aider :

              avoir des horaires réguliers de repas, en faisant en sorte que l’enfant est faim au moment du repas

              proposer des repas qui permettent de « tenir » jusqu’au repas suivant, sans que l’enfant ait faim entre les deux

              prendre le temps de manger, de mâcher, ce que nous adultes devrions montrer en exemple, pour que le processus de rassasiement puisse avoir lieu

Répondre au besoin social : les repas

Pour évoluer dans son comportement alimentaire, l’enfant a besoin d’être confronté à d’autres mangeurs. Le temps du repas est un moment privilégié pour cela : réunis autour d’une table, adultes et enfants partagent la nourriture mais également discussions, idées, émotions etc.

Le repas est un rituel transmis culturellement et socialement.

La structure de l’alimentation et des repas est organisée bien plus selon les normes sociales et culturelles que selon les normes sanitaires (c’est à dire les recommandations nutritionnelles). Ces normes sociales et culturelles sont transmises par la famille (parents, grands-parents), mais aussi par d’autres acteurs (crèche, restauration scolaire, camarades…).

 La restauration collective permet par exemple à l’enfant de découvrir que ses camarades ne mangent pas forcément les mêmes aliments que lui : ces repas entre pairs sont l’occasion de nouveaux apprentissages, et de nouvelles consommations alimentaires : ainsi, il est fréquent qu’un enfant consomme à la cantine un aliment qu’il refuse de manger à la maison, ce qui a en général comme conséquence de rendre ses parents plutôt dépités et interrogateurs…

Il n’y a pas de quoi : les parents restent le modèle de l’enfant en ce qui concerne son alimentation, et plus les parents auront une alimentation variée et équilibrée, plus l’enfant s’en imprégnera, même s’il ne mange pas de tout, tout de suite : par imitation, par habitude, petit à petit, ses consommations évolueront.

Pourtant, parfois, le repas est source de tensions : l’enfant refuse de manger certains aliments, ce qui inquiète, voire met en colère quand l’attitude de l’enfant est systématique. C’est sûrement parce que l’enfant perçoit l’importance qu’accordent ses parents à ce qu’il mange, qu’inconsciemment il « en profite » et se sert de ce moment pour attirer l’attention des adultes, en s’opposant parfois. La solution est simple (mais difficile à mettre en œuvre !!) : il est préférable de ne pas prêter trop d’attention à ces attitudes. Ainsi, on peut recommander aux parents (et aux autres adultes !), de ne pas insister, sans pour autant remplacer les aliments non consommés, et encore moins les compenser par autre chose. Il importe surtout que l’enfant ne ressente pas que son attitude touche ses parents : ce n’est ni grave quand il ne mange pas, ni bien quand il mange ! D’ailleurs, dans la grande majorité des cas, l’enfant ne risque rien, il n’y a donc pas d’inquiétude particulière à avoir quant à sa santé.

Sur le plan culturel, l’alimentation répond aussi à de nombreuses normes : les aliments considérés comme comestibles (donc consommés) ne sont pas les mêmes partout :

              en occident, nous mangeons du bœuf, considéré ailleurs comme un animal sacré, donc non mangeable

dans certains pays, les insectes sont considérés comme des mets de choix

Nos façons de manger répondent également à des impératifs culturels : manger avec des couverts, des baguettes ou avec les doigts sont des signes d’appartenance à un groupe, à une société…

Ces modes de consommation peuvent être protecteurs : selon l’OCHA, le fait de faire des repas est encore bien présent dans nos modes de vie en France, avec des repas à horaire relativement régulier, partagés entre plusieurs personnes. Aux Etats-Unis il n’y a plus vraiment de repas, les consommations alimentaires se font n’importe comment, n’importe quand, et conduisent à la consommation d’aliments bien particuliers. Cette déstructuration alimentaire, associée aux grignotages, aurait un lien avec le niveau d’obésité dans ce pays.

Notre façon de manger nous protégerait-elle en partie de cette évolution ?

Cependant, pour tirer tous les bénéfices de ce comportement culturel, il importe que le repas se déroule dans un climat détendu, sans stress, ni anxiété excessive autour de l’alimentation : ce doit être un moment agréable et plaisant.

L’apprentissage du goût, pour développer le plaisir de manger

La grande majorité d’entre nous mange à la fois pour se nourrir et pour se faire plaisir. Ce plaisir alimentaire s’est construit au fur et à mesure du temps, tout au long de notre vie. C’est aussi notre rôle d’adultes que d’éduquer les enfants au plaisir alimentaire, car il est l’une des composantes de l’équilibre.

Il importe donc d’aider l’enfant à développer ses goûts : présentez-lui de nouveaux aliments régulièrement, et demandez-lui de goûter à tout.

Établissez avec lui les règles du jeu (et respectez-les !) : s’il n’aime pas après avoir goûté, il n’est pas obligé d’en manger !

Pour ne pas se décourager, il est bon de savoir qu’en fonction des enfants, il faudra présenter ce nouvel aliment entre 5 et 15 fois avant que l’enfant le consomme sans problème : c’est le temps qui lui est nécessaire pour identifier l’aliment, le nommer, en avoir l’habitude !! Cela se passe d’ailleurs mieux si les repas sont pris en commun, et que les autres membres de la famille consomment l’aliment en question !

Il n’est bien sûr pas conseillé de remplacer systématiquement l’aliment non consommé par un autre qu’il adore : cela risque de ne pas engager l’enfant à changer, bien au contraire. L’enfant n’aura pas non plus double portion de fromage ou de dessert, sous prétexte qu’il n’a pas mangé une partie du repas.

Parfois un réel dégoût vis à vis d’un aliment peut apparaître. Il existe plusieurs types de dégoût :

  • Le dégoût sensoriel : l’enfant n’aime pas le goût de l’aliment, la perception en bouche est désagréable
  • Le dégoût cognitif : il est fonction de l’idée que l’on se fait d’un aliment, cette perception est mentale et culturelle. Ce type de dégoût augmente avec l’âge et est assez peu présent chez le jeune enfant (exemple : la cervelle est facilement consommée par les petits, alors qu’elle devient difficile à faire consommer à un adolescent !)
  • Le dégoût aversif : il est du à une perception « par le ventre ». Il est lié en général à un malaise gastrique juste après avoir manger un aliment. Inconsciemment le lien se fait entre l’aliment consommé et la « maladie », à tort ou à raison. La crainte inconsciente d’être à nouveau malade fait rejetée la consommation de l’aliment en question.

Dans le cas des dégoûts, il est préférable de ne pas insister sur les aliments concernés : le repas ne doit pas être un lieu et un moment de conflit. Ces dégoûts peuvent être très longs à changer, mais le goût (et le dégoût) évolue tout au long de la vie : nous connaissons tous des personnes qui, adultes, se sont mises à consommer des aliments qu’elles ne mangeaient pas auparavant.

 Pour encourager l’enfant à goûter et à découvrir de nouveaux aliments, on peut :

  • lui faire découvrir l’aliment sous sa forme originelle en le faisant participer aux courses (au marché), à la préparation des repas
  • lui faire cultiver certains légumes ou aromates : pourquoi ne pas mettre (même sur le balcon) un pied de tomate-cerises en pot, un plan de ciboulette, de basilic…, il sera fier de trouver sur la table ce qu’il a planté et arrosé !
  • allier les aliments dont il a l’habitude et qu’il aime avec de nouveaux aliments (lasagnes aux légumes…)
  • jouer avec les couleurs dans la conception des plats

Manger, un moyen de communication

Manger (ou ne pas manger) est aussi un moyen d’expression : nombreux sont les enfants qui expriment quelque chose dans leur façon de manger.

Lorsque votre enfant mange la soupe de ses grand-parents, alors qu’il ne veut pas manger celle que vous faites, c’est une façon de dire son attachement à ses grands-parents et de leur faire plaisir d’une certaine manière !

A l’inverse, des évènements déstabilisants peuvent engendrer des modifications de comportement alimentaire. Cantine, nourrice, arrivée d’un petit frère… autant de raisons pour lesquelles il pourra adopter un comportement particulier, y compris sur le plan alimentaire. Il pourra par exemple refuser de manger, ou encore régresser sur le plan des choix alimentaire ; il peut même devenir insupportable à table, sentant que son attitude attire l’attention de ses parents ou des adultes qui l’encadrent.

L’important est ici de rassurer l’enfant, l’alimentation n’étant que le symptôme d’une petite difficulté passagère.

Manger est donc un réel moyen de communication dès le plus jeune âge, et l’enfant en usera d’autant plus qu’il perçoit l’intérêt et l’inquiétude des adultes pour ce qu’il mange. Mais manger est aussi le moyen d’exprimer amour et bien-être… tout est question d’…équilibre !

Manger n’est pas un moyen de pression

Il est préférable d’éviter les phrases qui mettent un enjeu sur l’acte alimentaire :

  • si tu es sage, tu auras un dessert
  • mange pour faire plaisir à maman
  • tu seras gentil si tu finis ton assiette
  • si tu as une bonne note, tu auras des bonbons
  • tu as fini ton assiette, c’est bien, tu es un grand garçon
  • encore une petite cuillère pour me faire plaisir

L’enfant ne doit pas manger « pour faire plaisir » ou « pour bien grandir », il mange s’il a faim. L’aliment ne doit pas devenir une récompense, cela risquerait d’induire des troubles du comportement alimentaire. A l’inverse, il n’est pas question d’écarter de l’alimentation de l’enfant certains aliments, présumés nocifs pour la santé (tels que bonbons, sucreries, sodas etc.) : rappelons que la nocivité vient surtout du fait de la surconsommation (en quantité et/ou en fréquence), et que le fait de supprimer certains aliments peut également conduire à des troubles du comportement alimentaire (liés à la frustration par exemple).

Des enfants tous différents…

Mon enfant ne prend pas de petit-déjeuner

Le PNNS nous mitraille de recommandations, notamment sur l’importance d’un petit déjeuner équilibré. Mais est-il possible pour tous les enfants de manger dès qu’ils se lèvent ?

Certains ne peuvent manger qu’après avoir été suffisamment éveillés, d’autres sont malades dans les transports en commun et évitent donc de déjeuner pour ne pas être plus malades encore… il existe donc quelques situations où forcer à manger n’est pas acceptable !

Cela dit, quel est le risque de sauter le petit déjeuner ?

  • Une fatigue, une baisse d’attention dans la matinée, préjudiciable aux apprentissages
  • Une faim dans la matinée, qui, si elle est comblée par la consommation d’aliments gras et sucrés, aura des conséquences sur le déjeuner
  • Un déséquilibre alimentaire sur la journée, quoique ce qui est en général proposé aux enfants en matière de petit déjeuner ne soit pas toujours très intéressant sur le plan nutritionnel

L’important est donc de considérer chaque situation particulière et de l’analyser pour en saisir l’impact en termes de bien-être, de santé et d’y remédier si nécessaire. Voici quelques pistes pour favoriser la prise d’un petit déjeuner :

L’enfant n’a pas très faim

              ouvrez lui l’appétit avec odeur de pain grillé, jus de fruits pressé… par exemple

              le repas du soir est tardif et/ou trop riche, ou encore trop copieux

L’enfant n’a pas le temps de déjeuner car il se lève trop tard

              Qualité et quantité de sommeil ?

Le petit déjeuner est-il prêt ou l’enfant doit-il se débrouiller seul ?

Certains enfants ont besoin d’avoir un petit-déjeuner prêt à consommer, alors que d’autres seront motivés par le fait d’avoir à le préparer

L’enfant est malade dans le bus scolaire et ne souhaite pas prendre de petit-déjeuner avant

Donnez-lui un équivalent du petit-déjeuner, (barre de céréales, briquette de lait, fruit…) qu’il mangera dès son arrivée à l’école, avec l’accord de celle-ci ou du collège pour les plus grands.

Mon enfant est trop rond

Vous trouvez votre enfant trop gros, mais celui-ci est-il réellement en surpoids? Avant toute action alimentaire, il importe de consulter un professionnel de santé (pédiatre, diététicien), qui saura déterminer si le poids de votre enfant pose problème. Il faut absolument éviter de mettre un enfant au régime sans consultation préalable, au risque d’altérer sa croissance.

En cas de surpoids avéré, il est excessivement rare de demander à l’enfant de perdre du poids. Une restriction calorique peut entraîner un ralentissement de sa croissance (fléchissement, voire cassure de la courbe de taille). En principe, on veille à limiter la prise de poids dans les mois qui suivent la consultation, de façon à ce que l’indice de masse corporelle stagne ou diminue.

Les conseils alimentaires seront donc basés sur les besoins de l’enfant, sans cependant faire de son alimentation et de son surpoids le centre des conversations, au risque qu’il développe des troubles du comportement alimentaire. Il faudra notamment veiller à ne pas stigmatiser l’enfant, et ce d’autant plus que l’enfant lui-même n’est pas gêné par son embonpoint. Il est également important d’intégrer qu’il est difficile pour un enfant de se projeter dans le futur lointain, et que les arguments autour de sa santé ne sont pas très efficaces pour le motiver.

Mon enfant ne mange pas de légumes

Sans doute n’avez-vous pas échappé aux recommandations du PNNS, qui précise la nécessité de consommer 5 portions de fruits et légumes par jour. Or votre enfant ne consomme pas de légumes, et bien sûr, cela vous inquiète !

Sachez que pour sa croissance, l’enfant a besoin de beaucoup d’énergie. Or, les légumes ne sont pas des aliments riches en énergie, et sont donc assez peu rassasiants, à l’inverse des féculents qui, du fait de leur richesse en glucides, permettent plus facilement d’accéder au bien-être du rassasiement et de la satiété. Il est donc assez naturel que l’enfant se tourne avant tout vers les féculents.

Cela dit, si votre enfant n’aime pas les légumes, il apprécie peut-être d’autres aliments du même groupe :

  • Les fruits sont souvent plus appréciés par les enfants de par leur saveur sucrée. Or, fruits et légumes appartiennent au même groupe alimentaire, et il est tout à fait possible de ne consommer que des fruits sans pour autant craindre pour les apports nutritionnels. D’autant que 5 portions de fruits pour un enfant correspondent à environ 2 à 3 fruits sur la journée
  • Il est important de proposer les légumes sous toutes leurs formes : certains enfants préfèrent les légumes crus, alors que d’autres vont les préférer cuits. De la même façon, ce n’est pas la même chose de manger de la purée de carottes et des carottes vichy – d’ailleurs, il n’est en général pas question de demander aux enfants de manger les légumes sans assaisonnement (sauf pour ceux qui aiment !)
  • Ce groupe alimentaire présente une étonnante variété d’aliments : pensez donc à utiliser toutes les possibilités de ce groupe, en se souvenant qu’il est nécessaire de présenter de façon régulière un aliment pour qu’il soit reconnu, puis consommé.

Rédigé par Béatrice Carraz, diététicienne – Charline Joubert, stagiaire diététicienne

Sources :

  • Il mange un peu, trop, pas assez – Editions Marabout, N. Rigal,B. Boucher – 2005
  • Tous à table, Eloge du repas – OCHA– 1996